Savoir plus sur l’oeuvre de Duke Ellington
Les 9 et 10 février le Grand Chœur et le Big Band Solis’airs ont donné 2 concerts d’un œuvre de Duke Ellington à guichet fermé .
Merci au public pour l’accueil si chaleureux !
Cette suite de musique sacrée, considérée par Ellington comme « la chose la plus importante que j’ai faite » emmène le Jazz à l’Eglise. Composée par le DUKE à partir de 1965, elle est aussi marquée par le gospel et l’influence des musiques religieuses européennes.
Sacred Concert est rarement donné en France compte tenu des moyens nécessaires pour assurer sa production avec le recours à un orchestre jazz de bon niveau mais aussi du fait de son caractère atypique puisque cette œuvre est un pont entre les mondes du jazz, du gospel et des musiques sacrées européennes.
Lien vers quelques photos des concerts. Dans les médias
L’Evangile selon Saint Duke * (texte de Gilles Mathivet)
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Edward Kennedy Ellington est né en 1899 dans une famille aisée de Washington D.C. Son père, « seulement bel homme mais plein d’esprit » , est majordome chez un riche médecin, et sera plus tard, serviteur à la Maison Blanche. Sa mère, « une femme magnifique » , l’éduque dans l’amour de la famille et de Dieu. Elle lui raconte comment Dieu a créé l’homme: « Il a pris un peu de bonne terre noire, un peu d’argile rouge et un peu de sable blanc et les a mélangés pour que nul homme ne se croie supérieur à un autre » . Ses arrière-grands-parents étaient tous nés esclaves, dont une certaine Kennedy, d’origine Cherokee. Le petit Edward accompagne sa mère tous les dimanches au culte Méthodiste, où l’on chante de sages Negro Spirituals à l’européenne. Avec son père, il fréquente l’église Baptiste où les gospels improvisés « font trembler les murs » . Il apprend dès sept ans le piano (classique), puis, lycéen, s’amuse à imiter les pianistes de rag-time à la mode dans les cafés de sa ville. Un copain un peu snob l’affuble à 17 ans du surnom de « Duke » pour faciliter son entrée dans les soirées dansantes. C’est l’époque où d’autres musiciens de jazz choisissent leurs titres de noblesse, comme « King » Oliver, « Earl » Hines, « Count » Basie…
La suite de la carrière de « Duke » Ellington est dans tous les livres. Il crée son premier jazz-band en 1918, direction New York. En 1927, son orchestre s’installe pour dix ans au Cotton Club à Harlem. C’est l’époque des grands standards (Caravan, Sophisticated lady…) et des premières grandes tournées sans équivalent (Paris en 1933). Ni la crise de 29, ni la fin de l’ère des big-bands vers 1950, n’affectent le succès et la créativité de Duke Ellington. La modernité du nouveau jazz (le be-bop) ne le dérange pas plus: il invite Dizzy Gillespie dans son orchestre, il enregistre en 1962 avec Charlie Mingus (sublime Money Jungle) puis John Coltrane. Aux musiques de danse il ajoute de grandes suites thématiques (Black, Brown an Beige, en honneur au peuple Noir Américain). Ses incessantes tournées le mènent dans le monde entier (Grenoble 1969; lien vers les archives de la MC2 et en 1971), il joue à Moscou devant 12000 personnes, Nixon le reçoit à la Maison Blanche en 1969 pour le décorer de la Médaille de la Liberté.
Duke Ellington n’en oublie pas Dieu pour autant, se liant d’amitié avec les représentants de diverses congrégations, et lisant la Bible régulièrement (quatre fois en tout!).
En 1965, la Cathédrale Anglicane de San-Francisco, Grace Cathedral, invite Ellington à participer à sa programmation de concerts de musique sacrée, à égalité avec l’Oratorio de Noël de Bach ou le War Requiem de Britten.
La foi du compositeur trouve alors une nouvelle forme d’expression. Comme il ne s’agit nullement de musique liturgique, Ellington se sent libre d’imposer ses propres textes, dont le non-conformisme, bien que pétri de références bibliques, lui attire les critiques du clergé le plus conservateur ainsi que celles des fidèles pratiquant un gospel plus conventionnel. Ce premier Concert Sacré de 1965, dont une partie du matériel est repris de compositions plus anciennes (Come Sunday, 1943), est rejoué vingt-cinq fois, jusqu’à Coventry en Angleterre.
En 1967, l’église Saint John the Divine de New-York commissionne un second Concert Sacré. Avec de nombreux morceaux inédits, Ellington le considère comme « La chose la plus importante de sa vie » . Nouvelle tournée d’une cinquantaine de dates, aux USA, en Espagne, en France (à Saint Sulpice) et jusqu’en Suède (d’où est originaire la soprano Alice Babs, géniale interprète de The Majesty of God).
Le troisième Concert Sacré, commande de l’Association des Nations Unies, est créé le 24 octobre 1973 à l’Abbaye de Westminster de Londres, six mois jour pour jour avant la mort du « Duke », dernier chant d’Amour du plus important des compositeurs américains du XXe siècle.
Les trois Concerts Sacrés de Duke Ellington totalisent vingt-huit titres, certains pouvant durer jusqu’à vingt minutes (In the Beginning God, 1965, extrapolation en musique des premiers mots de la Bible). Il n’existe pas d’édition « authentique » de ces compositions d’Ellington, musique vivante transformée et adaptée à presque chaque performance selon les musiciens en présence, notamment les chœurs, le plus souvent amateurs. L’édition utilisée pour notre concert est un arrangement publié en 1993 par les compositeurs danois John Hoybye et Peder Pedersen, qui ont apporté aux parties chorales une certaine sophistication. Les dix morceaux sélectionnés sont issus de chacun des trois Concerts Sacrés.
(Le titre est emprunté à François Billard, Duke Ellington, édition du Seuil,1994)